Chapitre 1: Le garçon qui aimait les fleurs.
Je pensais avoir déjà vu les choses les plus étonnantes, je me trompais largement.
Tim répétait toujours le même geste. Encore et encore. D’abord il saisissait la branche, délicatement, puis il coinçait la précieuse petite boule bien rouge, mûre, entre ses doigts agiles, et tirait d’un coup sec. Encore et encore, répétant ses gestes des centaines de fois avec l’aisance et la précision de celui qui en a l’habitude, avec la patience de celui qui aime ce qu’il fait.
Lorsqu’il se redressa enfin, le soleil avait déjà largement entamé sa descente. Il ramassa les deux saladiers de groseilles dodues qu’il venait de récolter. Se régalant d’avance des merveilleuses confitures qu’en ferait la cuisinière il entreprit de traverser les jardins. L’air était doux et un vent tiède lui apportait les délicieux arômes des plantes.
Du haut de ses quinze ans, Tim appréciait pleinement cette soirée d’été, qu’il n’aurait sacrifié pour rien au monde, encore moins pour une partie de jeux vidéos comme la plupart des jeunes gens de son âge.
Il s’arrêta pour arroser quelques hortensias avant de reprendre son chemin. Il arriva finalement en vue de sa maison, une grande bâtisse blanche du XIXème siècle, chic. Le balcon de Tim était largement reconnaissable : une clématite violette s’élançait vers lui, comme à son assaut.
Il coupa à travers une immense pelouse tondue par les soins du « vrai jardinier ». Ces pieds nus frôlaient agréablement les nombreuses tiges vertes. Si sa mère l’avait vue ainsi, les groseilles dans les mains, sans chaussures et les habits maculés de terre, elle lui aurait certainement sortie une phrase comme : «cesse donc de voler le travail du jardinier, tu as l’air d’un vulgaire paysan comme ça ! Quand est-ce que tu grandiras enfin? ». Mais c’est parce qu’elle ne pouvait pas voir les étincelles de joie brillants dans les yeux du garçon, ni la tendresse de ses gestes lorsqu’il s’occupait des fleurs, des arbres et des buissons qui n’avaient plus aucuns secrets pour lui.
Plus aucuns ? Pas encore.
Il stoppa encore sa marche sur le dernier massif, juste avant la demeure. Ce massif était constitué de plusieurs rosiers buissonneux, dont les fleurs, roses ou blanches délivraient un enivrant parfum, propres à elles-mêmes, que Tim n'avait trouvées nulle part ailleurs, il était envoutant, sucré et frais, presque magique. Il définissait parfaitement le mot douceur, loin d'être trop fort, il était presque timide, intrigant.
Tim se pencha sur l'un des rosiers de couleur rose. C'était une des plantes qu'il préférait dans le parc. Il ne l'avait planté que deux ans auparavant, mais elle poussait vite, gaiment, comme pressé de vivre, et de rattraper les autres. La plante avait déjà plusieurs petites fleurs d'éclosent et plusieurs autres formaient de jolis boutons.
Le garçon s'accroupit à la recherche des coccinelles qu'il avait achetées contre les pucerons. Ne les voyant pas, il allait se détourner lorsqu'un mouvement capta son attention.
"- Va-t-en! Va-t’en! "S'écria brusquement une petite voix.
Un puceron détala le long d'une tige. Tim se figea en apercevant ce qui l'avait affolé. Et c'était loin d'être une coccinelle!
Un petit être, ou plutôt une fille minuscule le poursuivait, ses longs cheveux d'un rose pâle ondulés et sa robe verte légère volaient derrière elle. Elle s'immobilisa en sentant la présence d'un observateur, puis pivota vers lui, plongeant ses yeux de la même couleur que ses cheveux, dans ceux, bruns du garçon.
Une fraction de seconde plus tard, la créature se rua dans le feuillage du rosier, laissant Tim seul et abasourdi.
Il cligna plusieurs fois des yeux avant de se secouer. Se convainquant d’avoir rêvé, il reprit ses groseilles et rentra chez dans sa maison. Luttant néanmoins contre l’envie de fouiller le massif à la recherche de l’étrange fille plus par fierté que par peur.